Est-ce l'éxiguïté de ces lieux qui a contribué à resserrer les
liens entre les équipages de l'ESTEREL ?
Est-ce plutôt le plaisir que nous éprouvions à nous réunir dans
une chambre du Maéva pour y déguster un whisky-coca bien mérité
avant de s'abandonner à un sommeil réparateur, énivrés par de
puissantes senteurs de tiaré ?
Sommes-nous devenus si proches les uns des autres pour avoir
découvert ensemble cette Californie dont nous rêvions depuis
notre plus tendre enfance ?
Qui peut le dire ?
Une certitude toutefois, au risque de plagier Brassens, disons
que notre embarcation n'était pas le Radeau de la Méduse, et
bien que nous ne naviguions pas toujours en pères peinards,
c'était les copains d'abord.
A l'évidence, les retrouvailles dans un lieu aussi prestigieux
que le Pré Catelan se situent à des années lumière de nos
aventures vécues dans le club très fermé que constitue un
équipage; mais elles n'en sont pas moins des moments privilégiés
qu'il faut savoir savourer à petites gorgées car ce sont
toujours de très grands crûs.
La mort dans l'âme il faut pourtant quitter le vaisseau. La
visite est terminée, n'oubliez pas le guide s'il vous plait !
La porte se referme sur ces trésors, nous redescendons sur
terre, silencieux . Nous voilà confrontés de nouveau à de
sombres réalités car le ciel est à l'unisson de nos pensées : il
pleut!
Décidément, cet été est pourri…
NOSTALGIE…NOSTALGIE
par Daniel MOURAUX ( 1970-1979 )
Dans ce genre d'entreprise, où l'émotion prend
rapidement le pas sur le calme légendaire des vieilles troupes, j'ai
jugé préférable d'être accompagné de
Pénétrons donc ce sanctuaire. C'est un grand moment !
Le filet anti-crash accueille aimablement le visiteur. Aucun risque
cependant, car nulle palette ne nous menace : le vide est absolu.
J'imagine aisément les sentiments qui assaillent l'infortuné
propriétaire d'un manoir lorsque, de retour de vacances, il découvre
que les lieux ont été visités et que seules subsistent les traces
des biens à tout jamais envolés.
Face à ce néant, l'imagination vagabonde, le décor de l'aéroport
s'estompe, les conversations alentour deviennent imperceptibles.
Puis c'est un bond dans l'espace…
"A VENDRE / FOR SALE DC8 F 55"
Cette annonce, banale de prime abord, se transforme rapidement en
tragédie lorsqu'on réalise qu'il s'agit de notre "FOX CHARLIE"! Il
gît là, sur une aire de stationnement, solitaire, abandonné. Son
sort dépend désormais d'un hypothétique acheteur.
Avouons le, dépouillé de l'insigne de l'ESTEREL, le pur-sang a
quelque peu vieilli. Une dernière visite de courtoisie à ce
vénérable seigneur de l'Atlantique et du Pacifique s'imposait.
Le vœu se réalise aujourd'hui, en ce matin de juillet, grâce à la
complaisance du chef des ventes.
La météo n'est pas des plus estivales, l'été 2000 est qualifié de "pourri". En somme, les conditions sont idéales pour sombrer dans le spleen.
Rien n'a changé. N'ayant pu bénéficier de la spectaculaire évolution de l'avionique, les instruments de bord semblent déjà d'une autre époque et nous font revivre des moments passionnants d'une incroyable netteté. C'est dans cet espace réduit que s'écoulèrent des milliers d'heures à scruter la voûte étoilée pour des flirts innocents avec la croix du sud, ou encore à être les témoins aux paupières gonflées de fatigue du lever de soleil sur le parallèle 20° Nord.
En une seconde, huit heures se sont écoulées et
la Guadeloupe se dessine, noyée parmi les roses de porcelaine. Voici
l'escale des Carbets, son planteur aux effets ravageurs, ses soupers
gastronomiques où se mèlent boudin créole, acras et autres
cristophines. Voici le bouquet final : l'omelette norvégienne
présentée par
Demain, départ pour Hao. L'équipage qui nous
livrera l'avion recevra, en guise de cadeau de bienvenue, le contenu
d'un seau d'eau provenant du deuxième étage. Il s'agit d'une
charmante tradition et nul ne peut y échapper. Ce sera l'ultime
plaisanterie de potache avant une aventure d'une douzaine d'heures
entre ciel et océan. Comme il nous semble loin ce minuscule atoll
couvert de "crams-crams" et de cocotiers
!
Les visages seront fripés à l'arrivée.
Qu'importe le miracle se sera encore produit. C'est du moins ce que
prétendront ceux qui n'ont pas encore assimilé toutes les subtilités
de
Il faut pourtant s'arracher aux souvenirs de cette vie trépidante et
c'est un brutal retour au Bourget sans escale.En effet le temps est
compté pour nos sympathiques hôtes qui ont permis le pèlerinage. Ces
derniers, concients de notre émotion, nous accordent quelques
minutes supplémentaires car la tentation est trop forte d'aller
saluer une dernière fois le poste d'équipage. Sait-on jamais,
peut-être retrouverai-je la gomme que j'ai perdue il y a vingt cinq
ans ?