Rédigeant ce pensum plusieurs décennies après
la survenance des événements rapportés, je ne citerai aucune date et
je me limiterai aux faits, survenus principalement à l’escale de
Pointe à Pitre et sur les vols vers
Hao et retour.
Deux équipages, celui arrivant de
métropole et celui partant vers Hao, prennent ensemble leur repas,
(déjeuner tardif ou dîner précoce, j’ai oublié).
Au cours du vol vers
la Polynésie, un des navigateurs, le sergent-chef
Porée, souffre de poussées de fièvre et de troubles digestifs
importants. Nous sommes en détachement pour plusieurs W et les
soucis de notre ami perdurent pratiquement une bonne semaine.
Les autres membres des deux équipages (sauf un,
voir plus loin) ainsi que plusieurs membres de l’escale souffrent
des mêmes troubles, mais à un degré
nettement plus réduit.
Contact est pris avec le Service
médical local qui ne comprend goutte à la situation. Des messages
sont échangés avec le COTAM et, à notre grande satisfaction, un
message nous parvient enfin. Nous nous précipitons pour le lire afin
de secourir notre camarade. L’ésotérisme du texte nous laisse
pantois : « Affection N°375 » (le nombre n’est pas garanti, mais
tout aussi hermétique pour tout le monde). Le temps passe,
lentement… L’état de santé de tous revient progressivement à la
normale, mais la question demeure posée de connaître la cause de ces
troubles.
Une hypothèse inquiétante est soulevée
par quelqu’un : le conditionnement de notre chargement aurait-il
« fui » ? L’équipage aurait-il été irradié ?
Je prends sur moi de rassurer tout le monde. Je
suis alors en train de suivre par correspondance le CPO (Cours de
perfectionnement des officiers) et j’ai justement dans ma sacoche un
fascicule sur le sujet. D’après les statistiques liées aux
irradiations 50 % des irradiés sont morts après 5 jours (je ne
garantis pas l’exactitude des chiffres). Comme, dans notre équipe,
personne n’est encore mort, éliminons l’atome… Que reste –t-il à
explorer ? La « bouffe », peut-être ?
Je fais ici une incidente, brève si
possible. J’ai écrit ci-dessus (sauf un). Le un, c’était moi. Ceci
nous renvoie à la formation des équipages des DC8. Tous les
équipages avaient suivi les cours au sol à l’UTA.
Les pilotes et mécaniciens avaient aussi suivi
leur formation en vol au sein de la même compagnie.
Il n’en avait pas été de même pour les navigateurs
qui avaient suivi un stage de navigation sur sur les C135F de la 90è
Escadre de ravitaillement en vol dont j’étais alors leader
navigateur. Avant de quitter Istres pour le GLAM, j’avais été chargé
d’organiser et de conduire les vols d’entraînement des navigateurs
DC8.
Dès les premiers vols sur DC8,
l’équipage comprenait 2 pilotes, 1 navigateur, 1 radio et 1
mécanicien. Mais le navigateur en titre avait été chargé de faire
« naviguer » son collègue « radio » afin de l’amener progressivement
à la qualification Navigateur.
Or, au moment de l’incident Pointe à Pitre,
j’avais un contrôle à effectuer et pour cela j’assurais ma fonction
navigateur sur LBG-PAP et, dans la foulée, ma fonction de contrôleur
sur l’aller retour PAP-HAO.
Donc, ce fameux jour, je n’ai pas déjeuné à
l’escale, mais simplement pris un sandwich. Et je n’ai souffert
d’aucun trouble digestif.
Ceci nous a conduits, Pointereau,
Decaillot et moi, à entreprendre l’analyse détaillée du repas
qu’avaient pris les deux équipages à l’escale de Pointe à Pitre. Le
dépouillement des menus nous amena assez vite à suspecter un rôti
(de veau je crois) qui avait été décongelé pour l’équipage
précédent, consommé à moitié par celui-ci, recongelé et servi à
notre groupe.
Ouf ! L’incident était clos, Porée à
nouveau en bonne santé, le gérant du mess avait amélioré sa
qualification professionnelle. L’escale était redevenue aussi
attrayante qu’auparavant.