LE DC8 COTAM 

Par quelques brefs coups d’œil glissés subrepticement dans le cockpit, nous avons pu nous assurer que l’équipage est toujours serein et solidement attaché à son poste.

Après le « service boissons », nous passons aux choses sérieuses, un plateau-repas à l’aspect fort encourageant nous est courtoisement servi.

Aussi respectueux soit-on des convenances et de l’éthique militaire, il n’est pas interdit lorsque l’on s’embarque à destination de DJIBOUTI, de se laisser bercer un moment par le ronron soporifique des réacteurs, tout en dégustant un vieil Armagnac après un repas sympathique.

Finalement, le temps passe maintenant trop vite, après une brève lecture de la presse de bord, nous voilà déjà à la verticale de DJEDDA et attaquant la Mer Rouge.

Mais au fait, pourquoi ne pas tenter une petite visite dans le cockpit pour savoir enfin ce qui s’y passe. Demandons poliment l’autorisation à l’hôtesse qui n’en est pas une, c’est une convoyeuse de l’air. Il faudrait savoir !

L’équipage est au complet, deux pilotes, un radionavigateur, un mécanicien. Posons quelques questions « à 100 sous » pour ne pas avoir l’air de « débarquer » : l’un des pilotes, moins occupé, répond courtoisement. Le navigateur « crache furieusement dans la bakélite », le mécanicien scrute ses cadrans et tapote de temps à autre sa calculatrice.

Bref, cela ne semble pas très sorcier d’amener ce CO.T.A.M. à DJIBOUTI : dans cette drôle de machine, cela fonctionne presque tout seul.

Pour la descente, il faut regagner sa place, la convoyeuse de l’air a même l’amabilité de nous annoncer la température au sol à DJIBOUTI…. Une paille.

« DJIBOUTI by night » et vue d’en haut, c’est une belle ville lumière, la piste bien éclairée est reconnaissable, même pour un non initié, tout semble aller pour le mieux…. L’atterrissage est un peu viril mais au diable toutes ces considérations, nous sommes au sol et à destination, que demander de plus ?

Appelons un chat, un chat et rendons à César ce qui est à César. Cet avion n’est pas le CO.T.A.M à lui tout seul, il fait parti du CO.T.A.M. (Commandement du Transport Aérien Militaire). Le Transport aérien militaire possède la bagatelle de 200 avions dont 5 DC 8 qui en temps de paix effectuent des transports de passagers et de fret à longue distance, mais aussi des vols présidentiels et ministériels.

Et oui ! Ce n’est que cela ce DC 8 CO.T.A.M.  qui alimente nombre de nos conversations de Mess et qui nous apporte chaque semaine quelques nouvelles fraîches ou quelques camarades qui se font quelquefois attendre à l’arrivée. Pour nous il est aussi synonyme d’évasion, de vacances ou de retour « à la bonne vieille mère patrie ». Vivement l’été que l’on puisse y remettre les pieds et bravo le CO.T.A.M. !

Qui, au cours de son séjour à DJIBOUTI, peut encore feindre d’ignorer ce mot à la signification quelque peu ésotérique : « CO.T.A.M. »… ?

Il semble produire comme un effet surprenant sur la plupart de nos collègues militaires du territoire. Qui connait véritablement le sens de ce sigle magique ? Certains, vont jusqu’à s’imaginer que c’est le nom donné à ce long fuseau d’acier étincelant peint aux couleurs de la République. D’autres, pour qui l’aéronautique n’a rien à voir avec la langue hébraïque, savent qu’il vaut mieux parler de DC 8 CO.T.A.M., comme l’on parle de DC 10 U.T.A. ou de 747 AIR FRANCE.

Enfin tous gardent de leur contact avec ce CO.T.A.M.  quelques clichés inoubliables. Et chacun de se souvenir ; tout d’abord de cette attente fébrile dans l’aérogare, puis de l’embarquement  qui se fait en douceur, le temps de s’installer à bord, de considérer son voisin de fauteuil  et l’aéronef s’ébranle déjà. Quelle sensation délicieuse d’abandonner pour quelques heures ce « plancher des vaches ».

Un rapide tour d’horizon et l’on s’aperçoit bien vite que l’appareil n’a rien à voir avec le bon vieux NORD ATLAS, encore moins avec  l’AMX 30 ; Ici tout est confortable et moelleux, la voix de l’hôtesse, sans pouvoir rivaliser avec celle de ses consœurs d’AIR FRANCE, n’est tout de même pas si rocailleuse que cela :

 « Le Capitaine X et son équipage sont heureux… etc. Je vous remercie de vote attention ».

Le personnel de cabine, quoique déguisé en civil, est fort serviable et courtois.

Après la démonstration consciencieuse de l’utilisation des gilets de sauvetage, nous sommes maintenant convaincus d’être transportés par une compagnie sérieuse.

A une certaine altitude, l’avion se stabilise en vol rectiligne horizontal, le commandant de bord nous débite alors ce qui semble être son speech favori « Mesdames et Messieurs, depuis le cockpit voici quelques informations sur cet appareil et sur ce vol. Pour ceux d’entre vous qui utilisent le DC 8 pour la première fois… au décollage l’avion pesait 135 tonnes. Actuellement nous sommes à 11.000 m d’altitude, la température extérieure est de 50° C au-dessous de zéro. Notre vitesse par rapport au sol est de 1.000 km/h » quelques chiffres qui vous impressionnent tout de même ! 

Par un passager anonyme, (paru dans Esterel-Flash N° 75 de 1982,  sept oct nov)