« Esterel » : les Airbus dans la poudrière …

article de Frédéric LERT paru dans AIR FAN, N° 376 - Mars 2010

La ligne caractéristique de l’A340 en courte finale sur l’aéroport de Kaboul. Pour l’E.T. 3/60 qui cultive la discrétion, la majesté si particulière du quadriréacteur est un handicap plus qu’une qualité.

En descente vers Kaboul dans le poste d’un A340. La proximité de reliefs est fascinante par temps clair. Elle peut devenir angoissante quand la météo se dégrade…

Un Airbus A310 de l’ »Esterel » à KAIA (Kaboul International Airport). Les apparitions du bimoteur dans la capitale afghane sont relativement rares, les A340 étant préférés pour desservir ce terrain haut et chaud.

Une des premières missions de l’Escadron 3/60 « Esterel » vers l’Asie centrale est aussi l’une des dernières pour les DC-8 bleu, blanc, rouge : en novembre 2001, un quadriréacteur Douglas participe au transport de fret humanitaire en direction de Termez, en Ouzbékistan. Depuis le retrait des DC-8 en 2007, la flotte de l’unité ne se compose plus que d’Airbus A310 et A340, tous basés sur l’aéroport civil de Roissy Charles de Gaulle. Les trois A310-300, entrés en service en 1994, ont été rejoints en 2006 par deux A340 à long rayon d’action (12 000 km). Bien qu’ils portent des couleurs militaires, avec cocardes, ces avions n’appartiennent pas à l’Armée de l’Air. Celle-ci les loue pour assurer l’intérim avant l’arrivée espérée de MRTT (Multi-Role-Transport-Tanker) combinant les fonctions transport à longue distance et ravitaillement en vol.

Douchambe, puis Kaboul

Dans les premières années de l’engagement français en Afghanistan, les Airbus de l’ET 3/60 atterrissent uniquement à Douchanbe pour y déposer ou y embarquer les militaires français. Cet aéroport présente de nombreux désavantages (que nous avons déjà évoqués dans ce numéro), mais au moins le Tadjikistan est-il en pays en paix. A la fin 2006, Paris change sa façon de faire. Afin de gagner du temps et soulager les avions de transport tactique asthmatiques, la France opte pour des liaisons directes vers Kaboul où le premier Airbus se pose le 9 novembre. Le commandant de l’escadron est aux commandes ce jour-là et son équipage est complété par un navigateur de Transall ayant déjà l’expérience de ce terrain et qui fera les deux premières rotations. Une fois son savoir transmis, les équipages de l’ »Esterel » se débrouilleront seuls en instaurant un système de parrainage : pour chaque vol vers Kaboul, un des deux pilotes présents dans le poste doit avoir l’expérience de la destination.

La difficulté de poser un Airbus à Kaboul est technique, mais pas seulement. Certes, tout se conjugue pour rendre l’approche délicate, reliefs proéminents, aides radioélectriques fluctuantes, aérologie particulière, altitude élevée, trafic intense en finale (1), éloignement des terrains de déroutement… La difficulté est aussi opérationnelle. Quoi qu’on en dise, l’Afghanistan est un pays en guerre et la chasse aux gros-porteurs à coups de RPG-7 est un sport qui ne demande qu’à s’y développer… Pour les pilotes de l’ET 3/60, qui endossent un gilet pare-balles en début de descente, toute la difficulté est d’essayer de passer inaperçus avec des A340 marqués « République française », aisément repérables dans le trafic aérien local (2).

… et Bagram

Depuis novembre 2009, pratiquement trois ans jour pour jour après le premier atterrissage à Kaboul, les Airbus de l’escadron se posent également à Bagram, à une soixantaine de kilomètres au nord de Kaboul. C’est un choix logique : la base est entre des mains américaines, le trafic y est uniquement militaire, et surtout est plus proche des bases tenues par les Français dans la région de la Kapisa. L’acheminement des relèves par voie routière ou par hélicoptères s’en trouve facilité. Douchanbe est toujours au menu des rotations, mais de nouveaux noms sont apparus comme al-Dhafra, dans les Emirats arabes unis, ou encore Paphos, à Chypre. L’escale d’al-Dhafra permet de desservir la BA qui accueille en permanence trois Mirage 200-5 de l’Armée de l’Air dans les EAU et de procéder à un changement d’équipage. Le rôle joué par Chypre est très particulier puisque l’île grecque accueille pour 48 heures les militaires français revenant d’Afghanistan. Ces deux jours passés en Méditerranée servent de sas de décompression pour des hommes et des femmes s’apprêtant à retrouver leurs foyers après plusieurs mois de tension dans un pays difficile.

Les anciens de l’ «Esterel » peuvent se flatter d’avoir connu la plus longue ligne aéronautique du monde, quand les DC-8 reliaient Paris à Mururoa en passant  par Pointe à Pitre. Les nouveaux auront quant à eux le plaisir de raconter les aventures de la liaison aérienne la plus incongrue qui soit : Kaboul, Douchande, al-Dhafra, Paphos, Paris.

 

1. L’aéroport de Kaboul est ouvert au trafic civil et plusieurs compagnies aériennes afghanes équipées d’Airbus A310, de Boeing 737 et 767 y sont basées. Il est également desservi par différentes compagnies aériennes des pays voisins.

 

2. Pour le récit complet d’une arrivée à Kaboul à bord d’un Airbus de l’ »Esterel », on lira le premier chapitre du livre Pilotes en Afghanistan paru aux éditions Altipresse.

Le meilleur moment d’un déploiement en Afghanistan, l’embarquement pour le vol retour !

Déchargement des containers à bagages  d’un A340 a KAIA, en hiver. La capacité d’accueil des appareils gros-porteurs à Kaboul est parfois fonction de la capacité de déneigement des parkings.

Le parking gros-porteurs de KAIA accueille une large gamme d’avions où Antonov 124 et Iliouchine 76 dominent. Des Airbus et Boeing 747 cargos s’immiscent parfois dans le trafic local…