Récit d’un Mécanicien Sécurité Cabine
par Bernard CUVILLIER
On n’effectue pas près de vingt ans de bons et loyaux services comme Chef de Cabine sur un avion long-courrier, sans accumuler de nombreuses aventures.
Pour vous conter ces histoires, du moins les plus marquantes, j’ai choisi de les regrouper dans cette narration qui suit.
Ne vous y trompez pas, mes cauchemars actuels sont encore peuplés de certaines de ces mésaventures. Les plus inoffensives concernent : l’oubli d’un uniforme, d’un document hôtelier, d’un horaire de ramassage et aussi du coffret à devises que nous utilisions comme coffre-fort durant la mission. Je passe sur les réveils tardifs et les attentes de ramassage si longues, qu’il semble qu’on vous ait oublié.
Tout d’abord, un mot sur notre spécialité. Un mécanicien sécurité cabine, dans le jargon
militaire, c’est un PNC.
En 1968/69 le problème pour les responsables était : comment répondre aux exigences
internationales de transport de passagers civils et militaires aux quatre coins de la
planète ?
Ils avaient les avions, des DC8, les personnels navigants pilotes, navigateurs,
mécaniciens, mais pas de PNC. Or, pour transporter les civils du centre d’essais du
Pacifique en faisant escale à Los-Angeles, cela s’avérait indispensable. Il fut décidé d’un recrutement par l’intermédiaire du concours interne, alimentant la filière mécaniciens-navigants, qui avait lieu tous les ans, parmi les mécaniciens sol : vous savez ces gonfleurs d’hélices aux mains dans la graisse et le white-spirit, du matin au soir.
Donc, parmi les heureux élus, une partie suivra la formation traditionnelle pour devenir
mécanicien-navigant de conduite, l’autre suivra une formation MSC à la base d’Évreux
puis chez UTA au Bourget, la compagnie de transport aérien, qui assurait la formation
des militaires navigants de l’Esterel et l’assistance technique et opérationnelle de
l’escadron.
L’Esterel !... Comment résumer en quelques mots la variété des missions qui nous étaient confiées ? Je dirai : différentes, imprévisibles, surprenantes, enthousiasmantes, pénibles et fatigantes, oh oui, combien fatigantes parfois. Mais quel plaisir de se retrouver en équipage, soudés, solidaires, de découvrir pays et horizons nouveaux et même de les retrouver régulièrement, avec ces paysages idylliques et merveilleux et ces endroits arides et désertiques, beaux aussi à leur manière.
Voulez-vous que je vous dise : je n’ai aucun regret de mon ancien métier de mécanicien avion. Ce nouveau, je l’aurai exercé, pour le même prix, en passant le DC8 au polish à toutes les escales !
Bref, maintenant, je distribuais des plateaux repas, mais pas que ça.
J’étais devenu Chef de Cabine et une bonne partie de nos missions nous destinait à effectuer des transports de hautes personnalités gouvernementales, des Voyages Officiels (VO).
Ce vol VIP commence à Roissy face au salon d’honneur. Un tapis rouge marque au sol les quelques mètres qui précèdent les marches de la passerelle accolée à la porte de l’avion.
La température est fraîche, mais le ciel est clair, l’équipage de bonne humeur. Je suis prêt, matériel de sécurité contrôlé, repas et marchandise à bord, mon personnel briefé et bien briefé.
Debout sur la passerelle, j’attends l’arrivée du Président. Le commandant de bord ne viendra qu’au dernier moment pour accueillir son hôte. La haie d’honneur des gardes républicains est en place. Ce vol vers Moscou s’annonce sous de bons auspices, mais je suis un peu tendu.
Soudain, je vois un lieutenant-colonel grimper les marches de la passerelle. Il se précipite vers moi, serrant sur son cœur une serviette en cuir :
Bonjour dit-il, je suis l’aide de camp du Président. Et vous, qui êtes- vous ?
Je me présente : major CUVILLIER Bernard, votre Chef de Cabine.
Bon, dit-il, pour des raisons disciplinaires, le valet de chambre (habituellement un militaire du contingent) de Mr le Président a été débarqué et vous allez le remplacer pour ce voyage… Vous verrez ce n’est pas difficile, ajoute-t-il, se voulant rassurant.
J’essayé de lui bégayer quelques remarques sur mes responsabilités à bord et l’incompatibilité de ce nouvel emploi, mais c’était peine perdue, mon sort était jeté. Attention, me dit-il, le Président arrive.
Effectivement, celui-ci pénètre à bord de l’appareil après avoir serré furtivement la main du Commandant de bord. Quelques bagages, portés par les policiers de l’escorte, le suivent de près.
Nous nous retrouvons dans le salon, le Président d’un côté, l’aide de camp et moi de l’autre, les valises sur le lit entre nous, posées par les policiers qui disparaissent rapidement. Je pense qu’il faudra à un moment ou l’autre les ranger pour le départ.
L’aide de camp me présente au Président et précise que je remplace, pour ce vol, le valet de chambre titulaire.
Dans le silence qui suit, je sens bien qu’on attend de moi quelque chose, mais quoi ? Je suis sur le point de m’éclipser discrètement, décollage oblige…La voix du Président me stoppe net
« He bien quoi, je ne sais pas comment ça s’ouvre ! »
Je comprends qu’il s’agit des valises, et m’empresse de les ouvrir, fier de mes connaissances supérieures en la matière.
Elles gisent maintenant béantes, les panneaux intérieurs déverrouillés par l’aide de camp (échelon de connaissances supérieures en valises), manœuvre effectuée d’une main, l’autre tenant une feuille dactylographiée. Il s’agit d’un inventaire, à charge pour moi de présenter au fur et à mesure les objets signalés. Je n’ai pas encore informé le commandant de bord de mes nouvelles fonctions et je m’inquiète du temps qui passe.
J’ai beaucoup de choses à faire avant le décollage, annoncer le nombre de passagers aux pilotes, vérifier la fermeture des portes et la mise en place des barres de toboggans, rangement des bagages à main, verrouillage des ceintures, du matériel mobile… mon esprit vagabonde jusqu’au moment où l’aide de camp annonce : « Un gilet sans manche ! »
Le Président rentre alors dans une colère froide et nous apostrophe de façon hargneuse. « Comment, un gilet sans manches ! Vous voulez que j’attrape froid ! La température dans ces régions est connue ! Qui a préparé cette valise ? »
Seul l’aide de camp étant concerné, j’en profite pour disparaitre en marmonnant quelques excuses.
C’est alors au tour du Chef du protocole de me tomber dessus, il n’est pas question de fermer la porte avant de l’avion : il manque un journaliste, et pas le moindre (très connu du public), qui fait partie de la délégation. Je me rends dans le cockpit ou l’ambiance commence à chauffer, on veut savoir pourquoi cette porte n’est toujours pas fermée…
j’explique… une bordée d’injures me renvoie vers le Chef du Protocole à qui je fais part diplomatiquement des remarques du Cdt de bord.
Finalement le journaliste arrive, et je m’aperçois qu’il mesure avec satisfaction le trouble que son retard a provoqué, et son importance par la même occasion, donnant comme prétexte de vagues documents égarés.
Ouf, je m’assieds enfin, un peu de repos sur le mode vigilant, pendant le décollage. J’attache toujours beaucoup d’importance sur cette vigilance absolument nécessaire. Elle me permit au cours d’un décollage à HAO de la Caravelle SE 210 11R N°240 de signaler une fuite importante de carburant au niveau de la mise à air libre aile gauche, avec pourtant des indications normales de niveaux sur la planche de bord. Je fus récompensé par cinq points positifs et une médaille de l’aéronautique décernée quelques années plus tard.
C’est au cours d’un autre VO, dans l’heure qui précède le repas, qu’un service apéritif est organisé. La convoyeuse et moi nous nous chargeons du Président et de ses invités.
Sur le chariot, j’ai disposé les boissons alcoolisées, et non alcoolisées gazeuses qui les
accompagnent. Et justement, ce Président avait pour habitude de boire un gin tonic. Je
prépare un verre avec la glace et le gin, pendant que la convoyeuse se saisit d’une boîte de Schweppes qu’elle ouvre d’un geste magistral… et la boîte explose, le liquide inondant littéralement le Président.
C’est un phénomène rare, heureusement, qui s’explique par la différence de pression.
Je remercie le ciel que ce ne soit pas tombé sur moi, car je sens bien que la convoyeuse, une très chère amie, aimerait bien disparaître dans un trou de souris. Hélas, nous sommes en plein ciel. L’assise du siège complètement trempée est à changer et les dégâts collatéraux si important que le Président décide d’aller se changer. Il va mettre, dit-il, « Une tenue de combat ». À son retour, voyant le désarroi total de la convoyeuse, il insiste pour se faire photographier ensemble, immortalisant du même coup un incident qu'elle aurait aimé oublier.
J’affichais, un peu trop sans doute à ses yeux, ma satisfaction d’avoir échappé à un tel
désastre.
Pour se venger, ma chère Miss ne trouva pas mieux que de me confisquer toutes les
étiquettes des noms fichés dans les fromages du magnifique plateau fourni par la
SERVAIR. Elle me fit remarquer méchamment que la présentation souffrait d’un tel
affichage et qu’il fallait que je les apprenne par cœur. Je n’en avais pas le temps bien sûr !
Aussi c’est en creusant dans mes souvenirs, que je dus bégayer quelques généralités
fromagères imprécises et totalement fantaisistes qui laissèrent souvent mes interlocuteurs perplexes, m’obligeant même à certifier qu’il s’agissait bien de fromages
français ! J’étais furieux.
Son but était atteint. Je me gardais bien à l’escale, lieu bien connu pour les débriefings du voyage et d’immortelles anecdotes narrées autour d’un pot de l’amitié, de mentionner un quelconque incident, craignant qu’à son tour, elle n’étale mon ignorance sordide dans ce qui fait la gloire de notre patrimoine national.
Sur un autre vol officiel, au court d’un repas, le plat principal était accompagné de délicieux ceps. Les convives s’étant largement servis et plusieurs fois, tout l''équipage, sauf le cdt.de bord qui bénéficie d’un repas différent, crus bon de pouvoir profiter des restes de ce plat délicieux. Jusqu’au moment où madame le Premier Ministre (on n’en a eu qu’une) réclame encore des ceps à grands cris. Atterré, je fonce au galley avant pour stopper la razzia en cours et, confisquant à chacun ce qu’il n’avait pas eu le temps de dévorer, je reconstituais à grand peine un semblant de plat que notre charmante et gourmande Première s’empressa d’engloutir. J’espérais secrètement que toutes ses vaccinations soient à jour, ne voulant pas être à l’origine d’une indisposition ministérielle ! je me rassurais partiellement en songeant que chaque année, de nombreux accidents involontaires dus aux champignons ont lieu en France. Néanmoins, je m’interrogeais sur l’opportunité de servir des champignons au cours d’un vol officiel, il y a tant de haine et de rancœur entre les gens... Non, cette option est une recette du moyen âge ! je m’égare…Profitant d’un moment de répit, je me dirige vers l’arrière de l’appareil. Je sais qu’un service va y être préparé et je veux être certain qu’il s’y déroule dans de bonnes conditions, surtout avec la présence de nombreux journalistes.
J’arrive en pleine révolution : Léon Z au milieu de l’allée centrale réclame en gesticulant et à grands cris ses lunettes. On les lui aurait dérobées, un grand crime évidemment ! Maudissant son auteur sur plusieurs générations, proférant anathèmes et blâmes solennels, il bloque par sa corpulence tout passage dans l’allée. Ses collègues, dressés sur leur siège dans un grand brouhaha, l’encouragent où le houspillent. Quelqu’un lui dit de regarder sous son siège : dénégations véhémentes du propriétaire, peu confiant dans ses confrères, et qui dit ne pas vouloir être pris en photo pour un titre dans les journaux du lendemain « Léon Z à genoux et rampant dans l’allée du pouvoir ! » Je pense : quelle promotion pour mon allée à moquette ! Mais si je veux que le service ait lieu, et pour arrêter ce cirque, il faut absolument trouver ces lunettes. Je jette un rapide coup d’œil sur
son siège et les trouve coincées entre assise et dossier. M’en saisissant, je les dresse majestueusement au ciel comme un trophée des olympiades. Un tonnerre d’applaudissements et des chaleureuses acclamations raccompagnent le propriétaire à son siège. Sur son insistance, j’ai dû lui dire qu’il était assis dessus, ce qu’il n’a jamais voulu admettre, persuadé du guet-apens tendu par ses collègues.
Rassuré, le service se déroule normalement et la nuit tombée, je prends un tour de garde à l’arrière pour que mon personnel puisse dîner à son tour, dans le salon équipage, à l’avant de l’appareil.
J’ai baissé les lumières dans la cabine pour favoriser le repos des passagers. Comme souvent après un repas, une file d’attente se crée à l’arrière pour l’usage des toilettes. Tourné vers l’avant de l’appareil, j’essaie d’en réguler les entrées et sorties.
Six personnes au moins attendent, les yeux fixés avec impatience sur l’ouverture d’une des trois portes. Un phénomène attire soudain mon attention ! Tous les hommes présents, debout, ont le visage tourné vers l’arrière, bouches grandes ouvertes, yeux exorbités.
Je soupçonne un événement anormal. Mû par un pressentiment, je tourne la tête et que vois-je : une femme de toute beauté se déshabillant et déjà presque nue, la porte des toilettes grande ouverte. Je me précipite, n’écoutant que mon devoir, et ferme brusquement celle-ci.
Les spectateurs sont déçus et des murmures réprobateurs s’élèvent… Je reste ferme sur mes positions et renvoie tout ce beau monde à son siège, libérant l’allée pour l’amour propre de la belle qui j’espère, était victime d’un mauvais verrouillage de porte. Un manque d’oxygène peut entraîner parfois des comportements bizarres, je l’ai déjà constaté, mais resterai muet sur ce que j’ai vu.
Cela me rappelle une séance de strip-tease involontaire, en ombre chinoise derrière un rideau tiré soigneusement. Au petit matin, on ne se méfie pas assez du contrejour, en avion, quand le soleil se lève, magnifique à l’horizon dans un ciel d’azur. Le spectacle l’était, la ministre aussi, une des plus belles du gouvernement. Sans malice, elle aussi admirait par les hublots le jour naissant.
Privilège accordé à ceux qui comme moi ne dormaient pas, travail oblige.
Pour une fois, je ne regrettais pas la place de mon collègue mécanicien dans le cockpit et je m’attardais un peu en savourant. J’ai le souvenir d’un ami, qui, lui, fut en prise à l’assiduité d’un passager. Je dus lui expliquer l’inutilité de ces avances et son incompatibilité avec l’emploi du temps de mon personnel. Il s’en suivit que la mauvaise humeur de ce passager me poursuivit jusqu’à l’arrivée, j’avais sans doute gâché une bonne romance, mais mon collègue était soulagé.
Il m’est arrivé également de calmer les ardeurs d’un couple de passagers, qui profitant de la nuit, de l’espace libre et d’une couverture, s’était mis en tête de faire partie de ce « Club des dix mille » ayant fait l’amour à cette altitude. Pas de chance pour eux, les autres assagers, avec enfants eux, ne dormaient pas et m’appelèrent à la rescousse. Mon devoir est de garder une certaine moralité dans cet avion, après tout !
Et le matin arriva...
Il faudra que je vous explique un jour comment on prépare pour nos VIP, sans matériel spécifique, des œufs à la coque, 2 minutes 30, pas plus, au chauffe biberon, du pain Poilâne en toast grillé au four, des jus de fruits frais pressés, pas en bouteille, les croissants réchauffés à point, différents cakes confiturés et des omelettes au four. J’ai même monté de la crème chantilly à la main pour accompagner des fraises. Le petit déjeuner, ma hantise en vol.
J’ai eu l’occasion de transporter, pour dépanner et de façon exceptionnelle, des passagers américains ordinaires de PPT à LAX. Alors quel plaisir, ces messieurs buvaient du vin rouge au petit déjeuner, ravis des traditions culinaires françaises !
A ce propos, pour ce vol on nous avait, Dieu seul sait pourquoi, adjoint du personnel PNC civil tahitien. Je vois un énergumène à la démarche féminine prononcée qui vient vers moi en se déhanchant fortement et se présente :
« Bonjour je m’appelle Martial et Toi » ?
Méfiant je réponds : « On m’appelle Cucu, mais pour toi ça ne veut rien dire » ! Je ne
l’entendis plus du tout pendant toute la durée du vol qui se déroula sans eux et sans
problème.
C’était moins dangereux pour la santé que la mauvaise habitude des dockers tahitiens,
des types costauds, utilisant, vu leur corpulence, deux sièges à la fois dans la Caravelle pour Mururoa, et qui après avoir bu toutes les bières à bord, s’attaquaient aux bouteilles d’eau de Cologne des toilettes ! Du moins celles que nous avions oubliées d’enlever.
Revenons à ce vol officiel vers Moscou
L’avion allait bientôt descendre et le Président dormait toujours. Personne ne voulait prendre le risque de le réveiller, connaissant son humeur maussade au réveil. La coiffeuse fut désignée d’office pour cette corvée. Elle revint pour me dire que
ma présence était souhaitée. Après les politesses matinales, le Président me demanda de lui préparer sous-vêtements, chemise, cravate, veste et pantalon. C’était inattendu pour moi, me laissant même le choix de sa cravate. Je songeais à mon premier emploi, me revoyant nettoyer le train arrière du Vautour (bombardier biréacteur) au pistolet et white-spirit ! Quel chemin parcouru. Je rendais mentalement hommage à ma formation initiale polyvalente de mécanicien avion, (apprenti mécanicien en 1960 à Saintes, promotion 33 puis Rochefort, spécialisation hydraulique, et finalement cadre de maîtrise avion), qui nous permet ensuite d’exercer n’importe quel métier. En attendant, le Président n’était pas d’accord avec la couleur que j’avais choisie : « trop sombre » me dit-il. J’hésitais entre bordeaux et bleue, pour finir ce fut une bariolée.
L’avion se posa avec douceur comme il est de coutume chez nous, avec un Président à bord.

Pendant que la délégation officielle poursuivait son programme, les journalistes se précipitèrent sous l’avion, direction les soutes à bagages. Notre amis Léon Z, dans un russe parfait se mit à invectiver le personnel manutentionnaire qui semblait apathique. Je regardais du coin de l’oeil. Soudain, grâce à lui, la cadence s’accélère. Le chariot bientôt surchargé, notre amis Léon assis au sommet tel un empereur, s’éloigne majestueusement
vers l’aéroport. Une bonne façon pour récupérer ses bagages avant les autres.
Je le retrouvais avec plaisir sur le voyage de retour. Un seul ennui, lui et son épouse avaient une peur immense des voyages en avion, et il fallait avertir l’autre dès que l’appareil s’était posé sans encombre. Il ne voulait pas en démordre.
A propos de bagages, j’eu droit à une mésaventure sur un autre VO. Le Président se rendait au Caire accompagné de l’Ambassadeur de France : Monsieur CUVILLIER Philipe. Sans aucune parenté nous liant, vous devinez la suite… Arrivé à l’hôtel prévu pour l’équipage, seuls mes bagages étaient absents. Finalement, ils furent retrouvés à l’Ambassade de France, amenés par le zèle intempestif des policiers d’escorte. J’aurai dû
me méfier, ils m’avaient manifesté une curiosité peu habituelle pendant le vol.
Nous voici arrivés à la fin de l’histoire. J’ai voulu par ce récit vous faire entrevoir l’extraordinaire richesse des rapports humains de ce métier.
Des milliers de gens de toutes provenances, comme ces jeunes appelés de la Réunion qui n’avaient jamais vu la France, ni un DC8, d’après leur encadrement : « capturés la veille au lassos », à qui on venait juste d’apprendre à se servir d’une brosse à dent, montaient à bord équipés d’une lourde capote d’hiver. Mon cher ami disparu SERRAILLIER, pour les calmer pendant le vol et les empêcher tant bien que mal de boire leur réserve de rhum, leur faisait passer un simulacre de radioscopie, en leur plaquant le torse contre les faces des fours, leur conseillant à la vue des résultats, de limiter les boissons alcoolisées.
Résultats garantis, en plus d’être particulièrement drôle, c’était tout à fait efficace.
Vous trouverez sans doute ces façons de faire non conformes, cependant songez qu’il s’agissait de pouvoir maintenir le contrôle de plus d’une centaine de garçons souvent excités par le voyage et au comportement imprévisible.
Personnellement j’ai toujours veillé au confort et à la sécurité de mes passagers, attentif à leurs problèmes et soucieux de leur bien-être pendant toute la durée du voyage.
J’ai beaucoup aimé mes avions : le DC8 et la Caravelle. Avec eux j’ai découvert le Monde, plus merveilleux encore que lorsque je le découvrais très jeune dans les albums de Tintin.
J’ai sillonné le ciel, ne faisant que poursuivre un chemin que d’illustres prédécesseurs avaient tracé pour nous.
J’ai perdu des amis, et chaque année cette liste s’allonge ; celle dont, un jour peu lointain, je ferais partie. Cependant mes amis, ne soyons pas tristes, le véritable tombeau des morts, c’est le cœur des vivants.
J’ai le secret espoir qu’avec ce récit, le souvenir de ces événements puissent être conservés dans vos mémoires.